Assurance dommage-ouvrage : ce que les artisans doivent savoir

Vous êtes en train de discuter avec un client pour un projet de rénovation importante. Tout se passe bien, le devis est prêt, et là il vous demande : « Vous avez bien l’assurance pour les gros travaux, hein ? ». Vous hésitez une seconde. Il parle de votre décennale ? De l’assurance dommage-ouvrage ? Cette confusion est très fréquente. Entre l’assurance décennale, l’assurance dommage-ouvrage, la responsabilité civile professionnelle… il y a de quoi s’y perdre. Et vos clients ne font pas toujours la différence non plus. 

Rassurez-vous, l’idée n’est pas de jouer les conseillers en assurance. Vous n’êtes pas obligé de maîtriser tous les détails de l’assurance dommage-ouvrage. Mais savoir répondre correctement aux questions de vos clients vous positionne en professionnel sérieux. Ça tombe bien, on reprend les bases dans cet article ! Je vous explique simplement tout ce que vous devez savoir sur l’assurance dommage-ouvrage !

Qu’est-ce que l’assurance dommage-ouvrage (et en quoi ça vous concerne) ?

Définition simple

L’assurance dommage-ouvrage est une assurance souscrite par le maître d’ouvrage, c’est-à-dire la personne qui commande et finance les travaux. Concrètement, il s’agit généralement du propriétaire du bien immobilier qui lance le projet de construction, d’extension ou de rénovation. Autrement dit, c’est votre client qui souscrit l’assurance dommage-ouvrage.

Son rôle est simple, en cas de sinistre relevant de la garantie décennale (fissures importantes, infiltrations, problèmes de structure…), cette assurance permet au propriétaire d’obtenir le remboursement des réparations rapidement, sans attendre la détermination des responsabilités. 

Concrètement, ça veut dire quoi ? Imaginons qu’un an après la fin de votre chantier, des fissures apparaissent dans le mur porteur. Avec une assurance dommage-ouvrage, le propriétaire fait constater le problème, et son assurance finance les réparations dans un délai relativement rapide. Pendant ce temps, les experts déterminent d’où vient le problème et qui est responsable. Si votre responsabilité est engagée, votre assurance décennale remboursera par la suite l’assurance dommage-ouvrage.

Sans cette assurance, le propriétaire devrait d’abord prouver qui est responsable, lancer une procédure, attendre… ce qui peut parfois prendre des années. 

L’assurance dommage-ouvrage n’est pas une obligation à destination des artisans

Comme indiqué précédemment, l’assurance dommage-ouvrage n’a pas vocation à couvrir votre responsabilité. Elle est là pour permettre au propriétaire d’être indemnisé rapidement, avant même qu’on sache si c’est vous le responsable ou un autre intervenant. Il s’agit en quelque sorte d’un préfinancement des réparations, sans recherche immédiate de responsable

Votre obligation à vous, c’est d’avoir une assurance décennale si vous réalisez des travaux de construction. Cette assurance couvre votre responsabilité en cas de dommages compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination, pendant 10 ans après la réception des travaux. Il peut s’agir de fissures dans des murs porteurs, de problèmes de fondations, d’infiltrations d’eau importantes dues à un défaut d’étanchéité, d’un effondrement partiel d’une structure, et même, de problèmes d’isolation phonique rendant le logement inhabitable. 

Pourquoi y a-t-il une confusion fréquente entre l’assurance dommage-ouvrage et l’assurance décennale ? 

La confusion vient du fait que les deux assurances interviennent dans les mêmes situations, à savoir, les dommages relevant de la garantie décennale

Du coup, certains clients pensent que si vous avez une décennale, ils n’ont pas besoin de dommage-ouvrage. Ou à l’inverse, ils pensent que c’est à vous de souscrire les deux.

La réalité, c’est que ce sont deux assurances complémentaires qui ont des rôles différents

Quel est votre intérêt à ce que votre client ait une assurance dommage-ouvrage ? 

Légalement, vous ne pouvez pas obliger votre client à souscrire une assurance dommage-ouvrage. Ce n’est pas votre rôle, et vous ne pouvez pas conditionner votre intervention à la souscription de cette assurance. 

Pour autant, si votre client en a une, c’est mieux pour vous aussi. En effet, il s’agit d’une protection financière indirecte pour vous. En cas de sinistre, vous n’êtes pas directement sollicité pour avancer les fonds ou pour régler le problème dans l’urgence. Si votre client n’a pas d’assurance dommage-ouvrage et qu’un problème survient, il va se tourner vers vous immédiatement. Il va vous mettre la pression pour que vous répariez vite, ou pour que vous avanciez l’argent en attendant que les assurances se mettent d’accord.

Avec une dommage-ouvrage, ce n’est pas vous que l’on appelle en premier. C’est l’assurance qui prend le relais, mandate un expert, finance les travaux. Vous êtes sollicité seulement si on détermine que vous êtes responsable, et dans ce cas, c’est votre décennale qui interviendra.

Résultat : même si votre responsabilité est au final, engagée, la relation avec votre client est préservée parce que vous n’avez pas été en conflit direct avec lui pendant des mois.

Vous voulez recevoir chaque mois des conseils juridiques concrets pour sécuriser votre activité ? Inscrivez-vous à Code Émile, la newsletter des artisans qui veulent couvrir leurs arrières. Recevez des explications claires, des exemples concrets, et des outils pratiques pour éviter les galères juridiques.

👉 Je m’inscris à Code Émile

L’assurance dommage-ouvrage est-elle obligatoire ? 

J’ai envie de vous dire que ça dépend 😅 ! En fait, ça dépend surtout du type de travaux. Elle est obligatoire pour les travaux de construction, extension ou rénovation du gros œuvre. En somme, les travaux qui risquent de mobiliser plusieurs corps de métiers différents. Elle doit être souscrite avant l’ouverture du chantier par : 

  • le propriétaire de l’ouvrage ; 

  • ou le vendeur ; 

  • ou le promoteur immobilier ; 

  • ou le mandataire du propriétaire de l’ouvrage. 

En revanche, l’assurance dommage-ouvrage n’est pas obligatoire pour les travaux d’entretien, de réparation ou les petites rénovations qui ne touchent pas à la solidité de l’ouvrage.  

Les sanctions en cas de non-souscription d’une assurance dommage-ouvrage

Ne pas souscrire une assurance dommage-ouvrage quand elle est obligatoire, ce n’est pas anodin. C’est un délit qui peut être sanctionné par une peine pouvant aller jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Autant dire que la loi ne plaisante pas avec ce sujet.

Petite précision tout de même, ces sanctions ne s’appliquent pas aux particuliers qui construisent un logement pour l’occuper eux-mêmes ou le destiner à un membre de leur famille. Elles ne concernent pas non plus les personnes morales de droit public comme les collectivités territoriales ou l’État.

Quelle est la durée de couverture de l’assurance dommages-ouvrage ? 

L’assurance dommage-ouvrage ne couvre pas toute la vie du bâtiment. Elle intervient pendant une période bien précise. Elle prend effet un an après la réception des travaux, c’est-à-dire à la fin de la garantie de parfait achèvement. Et elle s’arrête dix ans après cette même réception, au moment où la garantie décennale des constructeurs prend fin.

Concrètement, elle couvre donc les années 2 à 10 qui suivent la réception des travaux. C’est durant cette période que l’assurance dommage-ouvrage permet au propriétaire d’être indemnisé rapidement si un sinistre relevant de la garantie décennale survient.

💡À lire aussi : Mémento spécial artisan pour tout savoir sur les garanties construction !

En résumé : 

L’assurance dommage-ouvrage n’est pas votre assurance. C’est celle de votre client. Mais savoir de quoi on parle et comprendre comment elle fonctionne vous permet de mieux répondre aux questions, de mieux vous protéger, et de mieux gérer les situations délicates.

Ce qu’il faut retenir :

👉 L’assurance dommage-ouvrage est souscrite par le maître d’ouvrage (votre client).

👉 Elle permet au propriétaire d’être indemnisé rapidement en cas de sinistre, avant même qu’on détermine qui en est responsable.
👉 Votre décennale et la dommage-ouvrage sont complémentaires, elles ne se remplacent pas.
👉 Vous avez intérêt à ce que vos clients en aient une, car elle facilite la gestion des sinistres et préserve vos relations commerciales.
👉 Vous ne pouvez pas obliger un client à souscrire, mais vous pouvez l’informer.
👉 Si le client n’en a pas, protégez-vous en documentant tout méticuleusement.

Alors la prochaine fois qu’un client vous pose la question, vous saurez quoi répondre. Et vous pourrez même lui expliquer pourquoi c’est dans son intérêt d’en souscrire une ! 

Vous voulez sécuriser votre activité avec des CGV solides ? Je vous accompagne dans la rédaction de conditions générales de vente sur-mesure, adaptées à votre métier d’artisan. Avec des clauses claires sur vos assurances, vos garanties, et vos obligations, vous évitez les malentendus et les litiges.

👉 Découvrez les CGV sur-mesure


Sabine Vuillermoz
Avocat au Barreau de Sens

Suivant
Suivant

Clause de révision de prix dans les devis : l’essentiel pour les artisans