Artisan et réseaux sociaux | Les 5 pièges à éviter
Vous êtes artisan du bâtiment et vous avez décidé de vous lancer sur les réseaux sociaux. C’est une excellente idée. Facebook, Instagram, YouTube, LinkedIn ou encore Pinterest, aujourd’hui, les réseaux sociaux sont devenus incontournables pour capter une nouvelle clientèle. Bien qu’il n’existe pas encore de droit des réseaux sociaux à proprement parler, vous devez vous conformer à quelques règles au risque de vous attirer potentiellement des ennuis. Rassurez-vous, j’ai fait le tour de la question pour vous dans cet article et je vous expose les 5 pièges à éviter, simplement.
1/ Utiliser des photos sans autorisation
Poster des photos de personnes sans leur autorisation
Dans l’enthousiasme d’un beau chantier ou d’une équipe au top, on sort vite son téléphone. Une photo par-ci, une vidéo par-là, et hop ! On poste fièrement sur les réseaux. Mais attention : le droit à l’image de toute personne est protégé par la loi.
Concrètement, toute personne a le droit de contrôler l’utilisation de son image. C’est écrit noir sur blanc dans l’article 9 du Code civil : « Chacun a droit au respect de sa vie privée. » Et la jurisprudence a depuis longtemps intégré l’image d’une personne dans ce droit à la vie privée.
Ce que ça veut dire pour vous :
Avant de photographier ou filmer quelqu’un (client, salarié, partenaire commercial, fournisseur, etc.), demandez son accord.
Et surtout, avant de publier cette photo ou cette vidéo sur Instagram, Facebook ou ailleurs, il vous faut une autorisation écrite de diffusion.
Ce n’est pas parce qu’on vous a laissé prendre une photo qu’on vous autorise à la publier.
En cas de litige, c’est bien à vous de prouver que la personne était d’accord pour la diffusion, et le simple fait qu’elle ne vous ait rien dit ne suffit pas. C’est la raison pour laquelle la meilleure option réside encore dans le fait de préparer une autorisation type à faire signer. De cette façon, vous avez ce qu’il faut sous la main pour vous protéger.
Montrer l’intérieur d’un chantier sans autorisation
Vous êtes fier de votre dernier chantier, et vous avez bien raison ! Mais avant de publier les photos de cette belle salle de bain refaite à neuf ou de ce salon transformé, avez-vous demandé l’autorisation au propriétaire des lieux ?
Je ne suis pas en train de vous dire que même les murs ont droit au respect de la vie privée, mais vous ne pouvez pas publier une photo de l’intérieur du logement d’une personne sans son consentement.
Peu importe que ce soit « votre » travail qu’on voit : ce qui compte, c’est que vous photographiez un lieu privé, c’est-à-dire le domicile ou les espaces personnels du propriétaire. D’ailleurs, ce n’est pas le droit de propriété qui s’applique ici, mais bien le droit au respect de la vie privée, toujours sur le fondement de l’article 9 du Code civil.
En revanche, la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 7 mai 2004 (Cass. plén., n° 02-10.450) que : « le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci. » Ce qui veut dire que prendre une photo de la façade d’un bâtiment dans la rue, pourquoi pas… mais pas question de poster des photos de l’intérieur sans accord.
Dans le cas contraire, vous risquez une condamnation pour atteinte à la vie privée pouvant aller jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende (article 226-1 du Code pénal). Et je ne vous parle même pas de l’impact sur l’image de votre entreprise… Là encore, prenez vos précautions et faites signer une autorisation écrite en amont !
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2/ Utiliser une image trouvée sur Google sans vérifier les droits
Vous cherchez une image pour illustrer une publication, et c’est parti ! Direction Google Images, vous tombez sur une photo qui colle parfaitement à votre message… Alors vous l’enregistrez, vous la postez sur Instagram, et vous passez à autre chose. Sauf que ce n’est pas aussi simple que ça.
Je vous l’accorde, ça peut prêter à confusion, mais ce n’est pas parce qu’une image est accessible sur Internet qu’elle est libre de droits. Derrière cette image enregistrée en deux secondes sur votre ordinateur, il y a une personne qui a travaillé et qui doit vous donner son accord pour pouvoir l’utiliser.
Pour savoir à qui vous devez demander l’autorisation, vous devez savoir à quel type d’image vous avez affaire :
une image créative : il s’agit d’une image créée de toutes pièces (par exemple, une image de réunion de chantier).
Vous devez obtenir l’autorisation du photographe, des modèles, des marques et des propriétaires des lieux reconnaissables.
Une image éditoriale : il s’agit souvent d’images prises sur le vif.
Vous devez obtenir l’autorisation du photographe.
Dans le cas contraire, vous risquez des poursuites pour atteinte aux droits d’auteur… Heureusement, il existe une multitude de sites très sérieux où vous pouvez trouver des images libres de droits et gratuites, ou à petits prix comme unsplash, pexels, ou encore pixabay. Vous pouvez également recourir aux services de professionnels pour créer vos propres visuels personnalisés.
3/ Régler ses comptes en public
Vous avez eu un chantier cauchemardesque avec un client pas très honnête ? Un sous-traitant vous a fait faux-bond à la dernière minute ? Un concurrent copie toutes vos idées et ça commence à vous agacer sérieusement ? Je vous comprends. Mais avant d’étaler tout ça sur Instagram ou Facebook, gardez à l’esprit que les réseaux ne sont pas un défouloir sans limites.
Sur les réseaux sociaux, toute publication est considérée comme publique, y compris une simple story. Ce n’est pas parce que le contenu disparaît au bout de 24 heures qu’il n’y a aucune conséquence. Si quelqu’un fait une capture d’écran, vous pouvez être tenu responsable de ce que vous avez publié.
Et si vous y mentionnez (ou laissez deviner) un client, un fournisseur, un ancien collègue ou concurrent de façon négative, vous prenez le risque d’être poursuivi pour diffamation.
La diffamation, c’est le fait d’accuser quelqu’un publiquement de faits qui portent atteinte à son honneur, même si c’est vrai. Et c’est puni par la loi. L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que : « Toute allégation ou imputation d’un fait précis qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne est une diffamation ».
4/ Partager un projet… trop confidentiel
Vous êtes hyper fier de ce nouveau chantier qui commence. Nouveau client, nouveau défi, un peu de prestige peut-être… L’envie est grande d’en parler sur les réseaux dès le premier coup de marteau. Mais attention : tout ce que vous vivez dans votre activité ne peut pas être partagé librement.
Certaines informations peuvent être confidentielles, notamment celles faisant l’objet de protection du secret des affaires. En vertu de l’article L151-1 du Code de commerce, il s’agit des informations :
qui ne sont pas connues ou aisément accessibles pour les personnes familières de ce type d’informations ;
qui revêtent une valeur commerciale du fait de leur caractère secret ;
qui font l’objet de mesures de protection raisonnables de la part de leur détenteur légitime.
Il peut s’agir par exemple :
de l’identité de vos clients ;
du lieu d’intervention ;
du montant d’un devis ou d’un marché ;
d’un projet encore non annoncé publiquement ;
d’un partenariat en cours de signature ;
du lancement d’un nouveau produit ;
etc.
Si vous évoquez ces sujets sans l’accord clair de la personne concernée, vous pouvez engager votre responsabilité civile.
5/ Omettre de signaler une collaboration commerciale
Vous êtes contacté par une marque de vêtements de chantier, un fournisseur d’outillage, ou même une plateforme d’un logiciel professionnel à destination des artisans. Et en échange d’un produit ou d’une rémunération, vous acceptez d’en parler sur vos réseaux. Rien de plus normal aujourd’hui. Mais attention : dès qu’il y a un avantage en jeu (argent, cadeau, service gratuit…), vous devez absolument le signaler.
Ce n’est pas réservé aux influenceurs millionnaires, depuis la loi du 9 juin 2023 n° 2023-451, toute publication à but promotionnel doit être explicitement identifiée comme telle. Il faut simplement que les termes « publicité » ou « collaboration commerciale » apparaissent noir sur blanc dans le post, de manière visible. Il s’agit de protéger votre communauté, en lui permettant d’identifier ce qui relève de votre avis personnel, et ce qui relève d’une opération marketing.
Sabine Vuillermoz
Avocat au Barreau de Sens