Et si les assurances pertes d'exploitation donnaient lieu à indemnisation ?

Le 16 mars 2020, comme beaucoup j’ai reçu une droite en plein estomac. Le temps s’est trouvé suspendu et j’ai cherché avidement la solution à mettre en place pour reprendre mon souffle et maintenir mon activité. Une fois le souffle revenu je me suis raccrochée aux branches et j’ai étudié mon contrat d’assurance, au cas où...

 

Bon nombre d’entreprise en ont fait de même puisqu’en mars nous avons vu fleurir les publications indiquant que les assurances refusaient d’indemniser les pertes d’exploitation.

 

Aujourd’hui, certaines assurances se mettent à verser des « primes de relance » à leurs assurés. La question que je me pose personnellement et de savoir d’où vient ce revirement de position et si en réalité le refus opposé initialement était bien fondé.

 

Alors même si je suis très loin d’être une experte en assurance, cette situation m’interpelle. De mon côté j’ai tenté de récupérer des contrats des assurances qui se sont mis à verser des primes et il me semble nécessaire de vous donner des « clés » pour vous permettre de comprendre.

 

Je vous donne donc si après mon cheminement en 3 temps.

 

I.         Ai-je souscrit une assurance perte d’exploitation ? 

 

Comme tout contrat, l’assurance repose sur un accord. De fait, la première question à vous poser est bien : « est-ce que mon contrat comporte une garantie perte d’exploitation ? ».

 

Pour le savoir, prenez vos conditions particulières ou le récapitulatif de votre assurance. Si c’est le cas vous aurez une ligne perte d’exploitation avec une mention oui/non, et/ou un montant maximum d’indemnisation ainsi qu’une franchise selon les contrats.

 

Dans mon contrat j’ai une ligne Protection de votre activité – Protection financière suivie d’une ligne Perte d’exploitation avec dans la colonne Garanties acquises un OUI hors bris.

 

Bon, cet élément vérifié cela ne veut pas forcément dire que vous serez indemnisé.

 

En effet, si le but d’une assurance perte d’exploitation et d’assurer :

-       Un actif patrimonial

-       D’un péril éventuel par nature aléatoire tel qu’un incendie ou une inondation

-       Entraînant des conséquences sur le plan financier.

 

L’assurance perte d’exploitation, comme toute assurance, nécessite la survenance d’un fait générateur

 

Aussi, la question n’est pas seulement de savoir si vous avez souscrit une assurance perte d’exploitation mais surtout de savoir quels sont les faits générateurs d’une prise en charge par votre assurance.

 

Le fait générateur correspond au sinistre ou accident visé par votre contrat (police) d’assurance.

 

II.        Dans quelles circonstances cette assurance perte d’exploitation peut-elle jouer ?

 

Les principaux faits générateurs des contrats d’assurance sont :

 

-       L’incendie, l’explosion, la foudre,

-       Les dommages aux appareils électriques et électroniques,

-       Le bris de machines,

-       Le dégât des eaux,

-       Les actes de terrorisme,

-       Les catastrophes naturelles,

-       Le vol.

 

Pour savoir ce qui s’applique dans votre cas, une fois encore, il faut consulter votre contrat : conditions générales et conditions particulières.

 

En effet, un contrat d’assurance peut prévoir une indemnisation en cas de fermeture administrative et exclure tout sinistre lié à une épidémie. Dans ce cas, même si vous faites l’objet d’une fermeture administrative pour cause d’épidémie, vous n’êtes pas indemnisable.

 

Néanmoins, il faut être précis, les exclusions sont valables si 4 critères sont remplis :

 

-       L’exclusion est en langue française

 

-       L’exclusion apparaît en caractères très apparents. Une clause lisible est insuffisante. Donc le seul fait qu’il y ait écrit « exclusion » ne suffit pas. Il faut un encadré spécifique, un caractère gras : un élément graphique permettant de faire ressortir la clause du reste du contrat.

 

-       L’exclusion est énoncée formellement et limitativement. On ne doit pas avoir besoin d’un juge pour l’interpréter. Donc si vous lisez blanc c’est blanc et non gris clair.

 

-       L’exclusion ne vide pas de toute substance la garantie. Pour faire une analogie c’est comme si je vous disais que je prépare des pâtes à la carbonara sans pâtes, sans œuf, sans lardon (coppa pour les puristes). J’arriverai peut-être à reproduire la saveur des pâtes à la carbonara mais ça n’en sera pas. J’ai vidé la recette de toute substance.

 

Dans mon cas, le contrat prévoit une indemnisation en cas de perte d’exploitation consécutive à :

 

-       Un dommage matériel indemnisé au titre du contrat,

-       Un dommage matériel direct causé par un attentat ou un acte de terrorisme aux biens assurés,

-       Un dommage matériel direct non assurables à l’ensemble des biens garantis par le contrat ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance, ou n’ont pu être prises,

-       Une impossibilité matérielle d’accès en raison d’incendie, d’explosions, d’événements naturels survenus dans le voisinage ou de catastrophes naturelles.

 

Par conséquent, ni l’interdiction d’accueillir du public ni l’épidémie de COVID-19 ne sont des faits générateurs recevables pour actionner mon assurance perte d’exploitation.

 

En revanche, si dans votre contrat les cas de prise en charge ne sont pas délimités vous pouvez faire une demande.

 

III.       A quoi puis-je prétendre en actionnant cette assurance perte d’exploitation ?

 

L’assurance perte d’exploitation permet à l’assuré d’être indemnisé à partir de ce que les assureurs appellent la marge brute.

 

La marge brute se calcul comme suit :

 

Produits d’exploitation liés à l’activité impactée (vente, prestation de services, variations de stocks, encours et produits finis) – charges d’exploitation variables (achats, variations de stocks, matières premières, services extérieurs et autres charges) / chiffre d’affaires x 100

 

Cette marge brute doit être calculée à partir des comptes des exercices antérieurs au sinistre.

 

Cette marge brute est ensuite appliquée à la perte de chiffre d’affaires constatée. 

 

Donc si votre marge brute est de 40 % et que vous avez subi une perte de chiffre d’affaires de 400 000 euros alors la perte de marge brute est de 160 000 euros.

 

Votre indemnisation dépend de cette perte de marge brute et des frais supplémentaires engagées pour permettre la reprise de l’activité, mais également du montant garanti par votre contrat et des éventuels franchise et seuil d’intervention.

 

Dans mon cas, le contrat prévoit une franchise de 3 jours ouvrés sauf catastrophe naturelle.

 

Précision : vous pouvez également avoir une assurance perte de la valeur vénale du fonds de commerce mais elle ne s’applique qu’en cas de disparition du fonds de commerce.

 

Compte tenu des pertes enregistrées par certains commerces, il est donc indispensable de relire votre contrat et de faire valoir vos droits, même si cela peut prendre du temps.

 

En tout état de cause, si votre assurance vous verse « spontanément » une prime ne signer rien sans avoir fait relire votre contrat et le document en question. Il pourrait être dommage de renoncer à vos droits sous prétexte d’une demande bien amenée par votre assureur.

Laissez un commentaire si vous avez des questions ou demander directement l’examen de votre contrat.

Article rédigé par Sabine Vuillermoz
Avocat au sein du Cabinet ASV

 

 
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