Protéger son patrimoine personnel en tant qu’artisan en 2025
Vous souhaitez devenir entrepreneur individuel et vous aspirez à protéger votre patrimoine personnel pour être serein en cas de difficultés financières de votre entreprise ? Vous êtes artisan, vous rencontrez des difficultés d’ordre financier, et vous vous posez des questions sur l’implication de votre patrimoine personnel ?
Rassurez-vous, si auparavant, la réponse était moins rassurante, depuis la loi du 14 février 2022, l’entrepreneur individuel bénéficie désormais d’une protection de droit de son patrimoine personnel.
Concrètement, cela signifie qu’en cas de dettes professionnelles, seuls les biens liés à l’activité peuvent être saisis par les créanciers. Une véritable révolution pour les artisans, qui sont nombreux à exercer en nom propre et à s’inquiéter des conséquences d’un problème financier.
Pour autant, cette protection n’est pas absolue. Dans certains cas, il est toujours possible, pour les créanciers, d’accéder au patrimoine personnel de l’entrepreneur. La réciproque est également vraie.
Dans cet article, j’ai fait le point concrètement pour vous sur la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel et les limites de cette protection. Garanti sans jargon juridique incompréhensible !
Protection patrimoine personnel entrepreneur individuel
Patrimoine de l’entrepreneur individuel | De quoi parle t-on ?
Depuis la loi du 14 février 2022, entrée en vigueur le 15 mai 2022, chaque entrepreneur individuel est désormais titulaire de plein droit de deux patrimoines distincts :
👉 un patrimoine professionnel,
👉 et un patrimoine personnel.
L’article L.526-22 du Code de commerce précise ce que comprend le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel. Il s’agit des biens, droits, obligations et sûretés qui sont utiles à son activité professionnelle.
Cela inclut par exemple :
le fonds de commerce ;
les stocks et marchandises ;
le matériel, les outils, le véhicule utilitaire ;
les données clients, marques, modèles ;
ou encore le fonds de caisse.
Le patrimoine personnel, quant à lui, regroupe l’ensemble des autres éléments : votre logement, vos meubles, votre véhicule personnel, vos économies, etc.
Cette séparation est automatique, sans qu’aucune formalité ne soit nécessaire. C’est une avancée majeure pour les artisans qui exercent en nom propre puisque l’entrepreneur individuel ne dispose pas de la personnalité morale comme c’est le cas pour les sociétés. Désormais, leurs biens personnels ne peuvent plus être saisis pour des dettes professionnelles.
Une protection contre les créanciers
Grâce à la séparation entre les deux patrimoines, les créanciers professionnels ne peuvent poursuivre que les biens appartenant au patrimoine professionnel. Inversement, les créanciers personnels ne peuvent pas saisir vos biens professionnels, sauf exceptions que nous verrons dans la suite de l’article.
Ainsi, votre résidence principale, bien personnel par excellence, est désormais protégée de plein droit. Autrement dit, même si vous avez des dettes professionnelles, votre maison ou appartement principal ne peut plus être saisi par vos créanciers liés à l’activité. Il n’est donc plus nécessaire de remplir une déclaration d'insaisissabilité de votre résidence principale comme auparavant.
En revanche, la pratique demeure pour les autres biens immobiliers dont vous êtes propriétaire. En clair, si vous possédez d’autres biens immobiliers que votre résidence principale (résidence secondaire, terrains, locaux…), ils ne sont pas protégés de façon automatique et pourraient être saisis en cas de créance professionnelle impayée.
Pour autant, vous pouvez les rendre insaisissables en établissant une déclaration d’insaisissabilité devant notaire. Elle sera publiée au fichier immobilier, et elle protégera ces biens des poursuites de vos créanciers professionnels. Ainsi, en cas de saisie immobilière diligentée sur votre bien, il vous suffira d’invoquer devant le juge de l’exécution qu’il s’agit de votre domicile principal.
Toutefois, lorsqu’un bien est utilisé à la fois pour un usage personnel et professionnel, seule la partie affectée à l’habitation demeure insaisissable.
Même si la réforme de 2022 a considérablement renforcé la sécurité des entrepreneurs individuels, cette protection n’est pas absolue. Certaines situations peuvent conduire à ce que le patrimoine personnel soit, malgré tout, partiellement exposé, tout comme le patrimoine professionnel 👇.
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Les limites à la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel
Les sûretés conventionnelles
Il peut arriver qu’un créancier professionnel vous demande des garanties pour vous octroyer un prêt par exemple. Il est alors tout à fait possible de consentir une sûreté conventionnelle (comme une hypothèque ou un nantissement), sur un bien faisant partie de votre patrimoine personnel.
En donnant cette garantie, vous consentez donc volontairement à ce que le bien fasse partie des biens susceptibles d’être saisis en cas de non-paiement. Dans les faits, les établissements bancaires exigent souvent ce type de sûreté pour accorder un financement professionnel. Il s’agit d’un choix à peser avec soin.
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La renonciation volontaire à la séparation des patrimoines
L’entrepreneur individuel peut également renoncer à la limitation du gage d’un créancier professionnel, c’est-à-dire autoriser un créancier à agir sur l’ensemble de son patrimoine, y compris personnel.
Cette renonciation doit être écrite, explicite et limitée à un engagement précis (par exemple : un emprunt bancaire déterminé).
De même, l’entrepreneur peut renoncer à l’insaisissabilité de sa résidence principale ou à la déclaration d’insaisissabilité d’un autre immeuble pour garantir un financement ou un contrat particulier.
Le droit de gage général des créanciers personnels
Nous l’avons vu, en principe, les créanciers personnels ne peuvent pas poursuivre les biens professionnels de l’entrepreneur. Mais il existe une exception importante à ce principe. En effet, en vertu de l’article L526-22 du Code de commerce, si le patrimoine personnel est insuffisant pour couvrir les dettes privées, ces créanciers peuvent, à titre exceptionnel, exercer leur droit de gage sur le patrimoine professionnel, dans la limite du bénéfice réalisé lors du dernier exercice comptable.
👉 Concrètement, si vous avez dégagé un bénéfice de 20 000 € sur l’exercice précédent, ce montant représente le maximum que vos créanciers personnels pourraient tenter de récupérer.
Le droit de gage de l’administration fiscale et des organismes de sécurité sociale
Enfin, certains créanciers publics disposent d’un droit de gage élargi. En effet, aux termes de l’article L.526-24 du Code de commerce, le droit de gage de l’administration fiscale et des organismes de sécurité sociale porte sur l’ensemble du patrimoine personnel et professionnel de l’entrepreneur.
En somme, depuis la réforme de 2022, l’entrepreneur individuel bénéficie d’une vraie avancée : la séparation automatique entre patrimoine personnel et professionnel. Un filet de sécurité précieux, surtout pour les artisans, dont les risques financiers sont souvent plus concrets que théoriques.
Mais attention, cette protection n’est pas absolue. Certaines situations peuvent encore fragiliser votre patrimoine privé, tout comme votre patrimoine professionnel. L’essentiel, c’est d’agir en connaissance de cause.
💡 Mon conseil : avant de signer un prêt ou d’accorder une sûreté, prenez le temps d’évaluer véritablement les conséquences sur votre patrimoine. Et si vous avez un doute, le meilleur réflexe reste de se faire accompagner.
Sabine Vuillermoz
Avocat au Barreau de Sens