Rémunération du dirigeant artisan | Comment bien se rémunérer sans mettre en péril son activité ?
Beaucoup d’artisans se lancent sans savoir précisément comment ils vont se rémunérer en tant que dirigeant. Et pourtant, c’est une question centrale : comment bien vivre de son activité sans fragiliser la trésorerie de son entreprise ? Salaire, dividendes, rémunération en compte courant… les options sont nombreuses, mais elles ne se valent pas toutes.
Tout dépend en réalité du statut juridique que vous avez choisi pour votre activité : micro-entreprise, entreprise individuelle, EURL, SARL, SASU… chaque forme d’entreprise entraîne des règles différentes, tant sur le plan social que fiscal.
Dans cet article, faisons le point sur les différents modes de rémunération possibles pour un dirigeant artisan, les régimes fiscaux et sociaux associés, et les bons réflexes à adopter pour se verser un revenu régulier sans mettre en péril la trésorerie de votre entreprise.
La rémunération du dirigeant artisan selon le statut juridique
Comment se verser une rémunération en entreprise individuelle ?
Dans le cadre d’une entreprise individuelle (EI), y compris sous le régime de la micro-entreprise, votre rémunération n’est pas considérée comme un « salaire » au sens classique du terme. Vous ne percevez pas de fiche de paie, mais vous prélevez librement de l’argent sur le compte professionnel de votre activité.
Concrètement, votre rémunération de dirigeant dépend directement du chiffre d’affaires que vous réalisez. Vous pouvez donc choisir de :
vous verser chaque mois le solde disponible après avoir réglé vos charges, cotisations sociales, factures et loyers ;
ou vous allouer une somme fixe mensuelle, à condition de maintenir une trésorerie positive.
Attention : dans ce régime, vos cotisations sociales sont calculées sur l’intégralité du chiffre d’affaires, pas seulement sur ce que vous vous versez. D’où l’importance d’anticiper vos prélèvements pour ne pas vous retrouver à court de trésorerie.
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La situation du gérant de SARL
En SARL, le gérant peut percevoir différentes formes de rémunération :
👉 une rémunération au titre de ses fonctions de dirigeant ;
👉 des dividendes, en tant qu’associé ;
👉 des avantages en nature (véhicule, logement, etc.) ;
👉 des intérêts s’il détient un compte courant d’associé ;
👉 voire un salaire, mais uniquement dans certains cas précis.
Comment est fixée la rémunération du gérant de SARL ?
La rémunération du gérant est prévue par les statuts ou fixée en assemblée générale par les associés. Elle n’est pas obligatoire, un gérant peut tout à fait exercer son mandat sans percevoir de rémunération de dirigeant. Le gérant ne peut pas décider seul de sa propre rémunération, bien qu’il puisse participer au vote.
Le montant doit correspondre à un traitement fixe et rester proportionné aux résultats de l’entreprise. Une rémunération excessive pourrait être qualifiée d’abus de biens sociaux, passible de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende, sans compter une révocation sans indemnité.
Gérant majoritaire ou minoritaire : une distinction essentielle
Le gérant majoritaire détient plus de 50 % du capital social, directement ou par l’intermédiaire d’une holding. Il est affilié au régime des travailleurs non-salariés (TNS). Il paie des cotisations sociales, même s’il ne se verse pas de rémunération. En revanche, il ne peut bénéficier de l’assurance chômage. S’il le souhaite, il peut toutefois souscrire une assurance spécifique ou encore exercer un emploi chez un autre employeur.
Le gérant minoritaire ou égalitaire, lui, relève du régime général s’il cumule son mandat avec un véritable contrat de travail. Attention, cela suppose un lien de subordination réel entre le gérant et les associés, et l’exercice de fonctions techniques distinctes de celles de la direction (par exemple : conducteur de travaux, chef de chantier, etc.). L’avantage ? Ce statut lui permet de cotiser à l’assurance chômage.
Dividendes et fiscalité
Si le gérant est également associé, il peut percevoir des dividendes en complément ou à la place d’une rémunération. Attention pour les gérants majoritaires, une partie des dividendes (au-delà de 10 % du capital social et du compte courant d’associé) est soumise aux cotisations sociales.
Le cas particulier de l’EURL (SARL à associé unique)
L’EURL fonctionne sur le même modèle qu’une SARL, à une différence près, il n’y a qu’un seul associé. La rémunération du gérant obéit donc à des règles spécifiques, selon que le gérant soit ou non l’associé unique.
Si le gérant est l’associé unique
Dans ce cas, c’est lui-même qui décide du montant et des modalités de sa rémunération. Cette décision doit toutefois être formalisée par écrit, soit dans les statuts de la société, soit dans un procès-verbal de décision de l’associé unique. Le gérant associé unique relève du régime des travailleurs non-salariés (TNS), il paie donc des cotisations sociales sur le montant de sa rémunération de dirigeant artisan. Même s’il ne se verse aucune rémunération, la société doit s’acquitter d’un forfait minimum de cotisations sociales.
Si le gérant n’est pas associé
Il est possible de confier la gérance à une personne tierce. Dans ce cas :
👉 s’il perçoit une rémunération, il est affilié au régime général en tant qu’assimilé-salarié (comme un gérant minoritaire de SARL) ;
👉 s’il n’est pas rémunéré, il ne relève d’aucun régime de protection sociale.
En revanche, un gérant associé unique ne peut jamais avoir le statut de salarié, puisqu’il n’existe pas de lien de subordination entre lui et la société.
Le président de SAS/SASU
À l’instar de la SARL/EURL, le président de SAS/SASU peut aussi en être associé, à savoir posséder des actions dans le capital social. Il peut, dans ce cas, percevoir des dividendes lorsque des bénéfices sont réalisés et qu’il y a décision de distribution.
Il n’y a pas d’obligation de rémunérer le président pour l’exercice de ses fonctions. Lorsqu’il est rémunéré, le montant peut être fixe, variable ou mixte, à savoir, une base fixe et une part variable.
C’est aux actionnaires qu’il revient de décider si le président sera rémunéré ou non, et dans quelles proportions. Lorsqu’il perçoit une rémunération, le président de SAS ou SASU relève du régime général de la Sécurité sociale, en tant qu’assimilé-salarié. Il bénéficie donc d’une protection complète (maladie, retraite, accidents du travail), mais ne cotise pas à l’assurance chômage. Les cotisations sociales sont par conséquent plus élevées que pour un travailleur non salarié, mais la couverture est également plus large.
Enfin, les fonctions de président peuvent être cumulées avec un contrat de travail, à condition :
que le poste salarié corresponde à des fonctions techniques réelles et distinctes du mandat de président ;
et qu’il existe un lien de subordination entre le président salarié et la société (ce qui est donc impossible en SASU).
Comment optimiser sa rémunération de dirigeant en tant qu’artisan ?
Optimiser sa rémunération de dirigeant, c’est avant tout trouver le bon équilibre entre fiscalité, protection sociale et trésorerie. L’objectif étant de se verser un revenu juste et cohérent avec la santé financière de son entreprise, tout en évitant de payer plus de charges qu’il ne faut.
Piste 1 : jouer sur la répartition entre rémunération et dividendes ?
Les dividendes peuvent constituer un levier intéressant pour alléger le poids des cotisations sociales. En effet, le versement de dividendes n’est pas soumis aux cotisations comme une rémunération classique. Ils supportent seulement la flat tax de 30 %, qui comprend :
12,8 % d’impôt sur le revenu,
17,2 % de prélèvements sociaux.
👉 Le dirigeant de SAS paiera ensuite son impôt sur le revenu sur ces dividendes. Pour les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés (IS), et dont le siège est situé en France, dans l’Union européenne ou dans un pays ayant signé une convention fiscale avec la France, le dirigeant bénéficie en plus d’un abattement de 40 % sur le montant des dividendes perçus.
En SARL/EURL, les choses sont un peu différentes. Pour le gérant majoritaire (ou associé unique d’EURL), la part des dividendes supérieure à 10 % du capital social est soumise à cotisations sociales d’environ 45 %. En dessous de ce seuil, les dividendes restent soumis à 15,5 % de prélèvements sociaux. Les gérants minoritaires, eux, ne sont pas assujettis à ces cotisations.
Piste 2 : l’option fiscale à l’impôt sur le revenu (IR) ?
Certaines entreprises peuvent dans certains cas opter pour une imposition à l’IR plutôt qu’à l’IS. Les bénéfices réalisés par l’entreprise sont alors directement imposés entre les mains des associés, proportionnellement à leur part dans le capital. Si votre taux marginal d’imposition est faible, cela peut se révéler avantageux.
Le bon réflexe : se faire accompagner
Chaque situation est unique : statut juridique, niveau de revenus, composition du foyer fiscal, trésorerie disponible… Il n’existe aucune stratégie universelle pour optimiser sa rémunération de dirigeant en tant qu’artisan.
Le plus sûr reste de vous faire accompagner par un professionnel qui vous aidera à choisir le meilleur mode de rémunération, à limiter la pression fiscale et à sécuriser vos choix sur le plan juridique.
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Sabine Vuillermoz
Avocat au Barreau de Sens