Obligation de vigilance pour les artisans | Décryptage pratique

Vous êtes artisan et vous avez décidé de recourir à un sous-traitant, très bien, mais savez-vous que vous devenez aussi responsable de ses pratiques ? Trop souvent méconnue, l’obligation de vigilance impose à tout donneur d’ordre, y compris les artisans, de vérifier que ses partenaires respectent bien leurs obligations sociales et fiscales.

Concrètement, si votre sous-traitant est en situation de travail dissimulé, qu’il ne déclare pas ses salariés ou qu’il ne règle pas ses cotisations, vous pourriez être tenu solidairement responsable… avec à la clé, des sanctions financières lourdes.

Alors, en quoi consiste exactement l’obligation de vigilance ? Qui est concerné, quels documents faut-il vérifier, et surtout, quels sont les risques en cas de manquement ? Dans cet article, je vous livre un décryptage pratique de l’obligation de vigilance pour sécuriser vos chantiers et votre entreprise !

Qu’est-ce que l’obligation de vigilance ? 

L’obligation de vigilance est prévue par l’article L.8222-1 du Code du travail. Elle impose à tout donneur d’ordre (entreprise, artisan, maître d’ouvrage) de vérifier que ses sous-traitants et prestataires respectent bien leurs obligations en matière d’emploi et de cotisations sociales.

L’objectif est simple, puisqu’il s’agit de lutter contre le travail dissimulé et la fraude sociale. Si un sous-traitant ne déclare pas ses salariés, n’est pas immatriculé ou ne paie pas ses cotisations, il se met non seulement en situation de concurrence déloyale, mais il met aussi en danger la protection sociale de ses travailleurs.

👉 En clair, la loi vous demande de ne pas « fermer les yeux ». Dès que vous signez un contrat dont le montant dépasse 5 000 € HT, vous devez demander et conserver certains justificatifs prouvant que votre partenaire est bien en règle.

Que faut-il vérifier concrètement dans le cadre de l’obligation de vigilance ?

Pour être en règle, vous devez demander à votre co-contractant de vous transmettre plusieurs justificatifs au moment de démarrer une collaboration. Mais ce n’est pas tout ! Vous devez aussi contrôler régulièrement ces informations afin de vous assurer que tout est bien à jour.

Les documents à exiger au début de la collaboration

Pour bien respecter votre obligation de vigilance, vous devez demander principalement 3 documents à votre co-contractant au moment de la signature du contrat (article D8222-5 du Code du travail). 

1️⃣ Un extrait d’immatriculation, soit l’un des documents suivants :

  • extrait K ou Kbis ;

  • ou extrait d’immatriculation au Registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat ; 

  • un devis, un document publicitaire ou correspondance professionnelle, à condition qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et le numéro d’immatriculation au RCS ou au RNE.

2️⃣ Une attestation de vigilance URSSAF datant de moins de 6 mois : ce document confirme que l’entreprise est à jour dans ses déclarations et paiements de cotisations sociales. Attention, vous devez vous assurer de son authenticité auprès de l’organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.

Les vérifications périodiques

Si la prestation dure plus de 6 mois, vous devez renouveler la demande des documents, et ce, jusqu’à la fin de l’exécution du contrat. 

Par exemple, si vous confiez à un sous-traitant la pose de carrelage sur un chantier pour 8 000 € HT. Vous devez lui demander son Kbis et son attestation de vigilance URSSAF avant de démarrer. Dans l’hypothèse où le chantier durerait 8 mois, vous devrez redemander ces documents une fois, 6 mois après le début du chantier.

💡 Pour vous protéger en cas de contrôle, archivez systématiquement tous ces justificatifs dans un dossier dédié (papier ou numérique).

Manquement à l’obligation de vigilance | Les sanctions

En cas de manquement à votre obligation de vigilance, vous encourez des sanctions financières, pénales, et commerciales

Des sanctions civiles

La loi prévoit tout d’abord des sanctions civiles en cas de manquement à votre obligation de vigilance. Vous serez notamment tenu solidairement au paiement des sommes dues par votre co-contractant s’il se rend responsable de travail dissimulé par exemple.

Concrètement, cela veut dire que l’administration peut vous réclamer :

  • le paiement des impôts, taxes et cotisations sociales dus par votre sous-traitant, ainsi que les majorations et pénalités de retard ;

  • le remboursement des aides publiques éventuellement perçues par l’entreprise fraudeuse ;

  • la rémunération, les indemnités et charges pour les salariés dissimulés.  

Des sanctions pénales

Aux termes de l’article L8224-1 du Code du travail, le fait de recourir directement ou indirectement aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé est puni :

  • d’une peine de 3 ans d’emprisonnement ;

  • d’une amende de 45 000 € si vous exercez en entreprise individuelle ou 225 000 € si vous exercez en société (article 131-41 du Code pénal).

Des conséquences commerciales et réputationnelles

Au-delà des sanctions prévues par la loi, une négligence sur ce point peut entacher votre réputation auprès de vos clients et partenaires. Être associé, même indirectement, à du travail dissimulé peut nuire durablement à votre crédibilité.

Moralité, mieux vaut passer 10 minutes à collecter et archiver les bons documents, plutôt que de s’exposer à des sanctions financières et pénales lourdes !

Les bons réflexes pour se protéger efficacement

Si vous travaillez souvent avec des sous-traitants, l’obligation de vigilance doit devenir un véritable réflexe. Avec quelques bonnes habitudes, vous éviterez de nombreux problèmes. Tout comme vous avez sans doute structuré votre processus client, mettez en place une organisation similaire avec vos sous-traitants afin de rester en parfaite conformité avec vos obligations. 

1. Mettre en place une checklist systématique

Avant chaque signature de contrat, vérifiez que vous avez bien :

  • le KBIS ou l’inscription au répertoire des métiers ;

  • l’attestation de vigilance de l’URSSAF en cours de validité.

Astuce : vous pouvez conserver cette checklist dans vos dossiers administratifs pour bien y penser. 

2. Archiver vos preuves correctement

Collecter les documents, c’est bien, mais encore faut-il pouvoir les présenter en cas de contrôle. Pour cela, organisez un système d’archivage clair, créez un dossier dédié, classez les pièces par date et par nom de partenaire, et veillez à les conserver pendant au moins 5 ans. 

💡 À lire aussi : Délai de conservation des documents d’entreprise : ce que vous devez savoir

3. Mettre à jour régulièrement

Un document n’est valable que s’il est à jour. Comme nous l’avons vu précédemment, l’attestation URSSAF doit être renouvelée tous les 6 mois. Pensez à programmer un rappel automatique pour relancer vos partenaires à temps.

4. Sensibiliser vos équipes

Si vous déléguez la gestion administrative, assurez-vous que vos collaborateurs connaissent l’importance de ces vérifications et intègrent correctement ces notions dans leur quotidien. 

Vous l’avez compris, l’obligation de vigilance est une véritable responsabilité légale et financière pour les entrepreneurs. En respectant vos obligations, vous vous protégez non seulement contre de lourdes sanctions, mais vous protégez également votre image et votre réputation contre les risques liés au travail dissimulé.

Retenez l’essentiel : faites les vérifications nécessaires à toute nouvelle collaboration avec un sous-traitant, archivez vos documents, mettez-les à jour et surtout, gardez une trace écrite de vos démarches. Ces gestes simples deviendront vite une habitude et vous permettront d’être serein sur ces questions.


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Sabine Vuillermoz
Avocat au Barreau de Sens

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